Patacons et feu flamand
L'histoire commence avec un bouquin de cuisine trouvé sur une brocante. Datant de 1986, il regroupe des recettes régionales transmises par des gens du Nord à l'occasion d'un grand concours (enfin, recettes régionales pour la plupart car le chou farci façon Périgord, la charlotte écossaise et la soupe de cacahuètes ougandaise, ce n'est pas du pur ch'ti tout de même...).
Le Ch'ti gourmand
(300 recettes du nord)
Eh oui, j'ai de sacrées lacunes dans ce domaine car je suis bien née à Lille mais d'une mère angevine et d'un père belge. Je n'ai pas du tout été élevée à la cuisine ch'ti, les recettes au Maroilles et au Vieux Lille, c'est adulte que je les ai découvertes.
Pour cette première, j'ai choisi un plat dont le nom m'amusait :
La recette des patacons
Avant de m'y mettre, j'en ai parlé à Gilberte, une vieille dame de 84 ans avec qui je joue toutes les semaines au Scrabble. Originaire d'un village de Thiérache, non loin de Maroilles, elle est ma référence en traditions régionales et les patacons, elle connaissait bien sûr.
Ceux qu'elle mangeait jadis étaient préparés ainsi : des pommes de terre coupées en tranches épaisses, surmontées ou non d'une rondelle d'oignon, et déposées directement sur le feu flamand avec une cloche pour accélérer la cuisson. La cloche de Gilberte était une demi-sphère en acier émaillé, celle de sa mère en terre cuite vernissée avec trois anneaux pour la soulever. Ces cloches retournées pouvaient aussi servir de saladier.
Mais qu'est-ce qu'un feu flamand ? Certes j'atteins bientôt le demi-siècle mais, fille de la ville, j'ai toujours connu le chauffage central et la cuisinière électrique, même chez ma grand-mère paternelle.Et comme le Web est encore plus récent, il ne propose pas d'illustrations claires de feu flamand et encore moins de feu flamand triangulaire comme était celui de Gilberte. Gentiment, elle m'en a fait un croquis rapide dont je fais profiter les curieux :
Le feu flamand triangulaire de Gilberte
Le dessus était une épaisse plaque de fonte noire. Les parties verticales étaient en émail gris clair. Le feu flamand servait à la fois d'appareil de chauffage, de cuisinière et de four. L'avancée triangulaire abritait un pot de fonte où brûlait le charbon, avec un tiroir au dessous pour les cendres. Les portes sur les côtés s'ouvraient sur le four gigantesque qui faisait toute la largeur du feu flamand.
Et c'était sur la plaque de fonte que Gilberte posait les tranches de pommes de terre pour les patacons. Elles brûlaient un peu dessous mais ce n'était pas grave, il suffisait de passer le papier de verre sur la fonte pour tout nettoyer. C'est un plat que Gilberte a beaucoup mangé pendant la guerre car il permettait de cuire les pommes de terre sans matière grasse mais en leur gardant plus de saveur qu'à l'eau. Avec un sauret (ou hareng saur), c'était un délice !
Mes patacons
Pour remplacer dans ma recette le feu flamand, j'ai utilisé une poêle en acier émaillée qui date de Mathusalem. J'y ai déposé dans le fond mes tranches de pommes de terre bien essuyées et les ai couvertes de rondelles d'oignons. Hop, sur le gaz avec un couvercle et à feu très doux pour une petite heure.
Les pommes de terre cuisent et dorent ainsi à l'étouffée sans matière grasse avec juste l'humidité des légumes. Elles sont tendres et moelleuses, les plus savoureuses pommes de terre de régime que je connaisse !
Quant à la poêle, il suffit de la laisser tremper pour retirer facilement les morceaux attachés.