Le Pollux en meringue
Question : un Pollux meringué sans crème au beurre est-il un véritable Pollux ?
Quand j'étais petite, je n'étais pas grande, on montrait du cul à tous les passants. J'avais 11 ans et, pour aller en 6ème à Notre-Dame de la Paix sur la place aux Bleuets (la seule année en privé de ma scolarité), je traversais tout le centre de Lille à pied. Je passais donc devant le cinéma porno qui trônait alors dans la rue de Béthune pas encore piétonne à l'époque. Marcher ainsi sous ces gigantesques affiches aux titres cochons, ça me gênait un peu même si je ne les comprenais pas toujours. Et sur les murs de photos dans la pénombre derrière la caisse, je devinais avec un peu de culpabilité des corps nus barrés de rectangles noirs aux endroits stratégiques. J'en garde le souvenir d'une porte entre-baillée sur un monde adulte, interdit et légèrement effrayant à mes yeux d'enfant sage.
L'enfant était aussi gourmande et ce trajet dans Lille passait aussi, je ne l'ai pas oublié, devant la pâtisserie de la place Philippe Lebon. Deux ou trois fois par mois, je m'y arrêtais sur le chemin du retour pour m'offrir avec mon argent de poche un sublime merveilleux Ah, cette meringue si craquante au coeur délicatement tendre ! Cette crème au beurre chocolaté si douce sur la langue ! Il portait bien son nom, mon gâteau préféré.
Pourtant, j'ai toujours détesté la crème au beurre, j'ai le souvenir écoeurant de bûches de Noël toutes molles et dégoulinantes de gras. Mais cette crème-là s'accordait divinement au croquant de la meringue, c'était pour moi le nirvana en bouche. Nous avons déménagé l'année suivante et je n'ai plus jamais mangé de merveilleux digne de ce nom. Dieu sait pourtant si j'en ai testé dans ma vie d'adulte, que des déceptions. Le dernier en date était Aux Merveilleux de Fred dont on m'avait dit grand bien. Pfff ! Juste de la meringue garnie de crème fouettée. A part le goût du sucre, aucun intérêt. Pourtant les clients qui font régulièrement la queue sur le trottoir ont l'air satisfaits et ce Fred a deux pâtisseries sur Lille, il a même ouvert une boutique à Paris. Enfin, il paraît que je suis plus difficile que je ne suis belle...
Pour en revenir à ma douce enfance, je remplaçais parfois ce merveilleux merveilleux par un Pollux. Un peu plus cher, certes, mais si mignon avec sa robe café. Et puis le Manège Enchanté n'était pas loin dans ma mémoire.
Je savais que cette pâtisserie existait encore, je la voyais parfois de la rue Solférino, grand axe de Lille. Je ne sais pourquoi, je ne songeais pas à y retourner. Et puis l'autre jour, le hasard d'une course m'a fait passer devant la devanture. Et là, que vois-je ? Une tribu de petits Pollux ! Vite, je rentre, en achète un. Bien sûr, les propriétaires ont changé depuis longtemps, le pâtissier aussi et je n'ai pas voulu reprendre un merveilleux. Parce qu'en fait, je l'avoue, ce Pollux m'a déçue, m'a déçue de moi-même.
Dans mon souvenir, Pollux avait une robe de crème au beurre au café sur son corps de meringue blanche. Et là, il est tout en meringue. Est-ce la déliquescence des Pollux ou celle de ma mémoire ? Le doute est permis. Non, il ne faut jamais tenter de refaire vivre sa vie d'enfant.
Pour terminer sur une note plus optimiste, je vous laisse les photos de ce Pollux qui pourra inspirer les pro de la meringue. Perso, je ne sais que la manger, pas la faire (et surtout l'idée d'allumer mon four pour des heures, même à basse température, ça me coupe l'appétit).
Bons Pollux à vous !
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