Le N°6 déstructuré en bento
Le N°6 est le nom raccourci d'un plat imaginé par un cuisinier français de roman américain :
"Le Stagecoach Bistro jouxtait le neuvième trou d'un golf qui se donnait des airs de country club très fermé alors que n'importe qui était accepté, à condition de pouvoir régler l'adhésion mensuelle. [...] Le bâtiment était en rondins et en bardeaux. La carte annonçait un chef français qui pratiquait une "nouvelle cuisine d'inspiration généreuse, fusion tex-mex et thaï". [...] Par "inspiration généreuse", il fallait entendre des portions pantagruéliques et une prose à vous flanquer la migraine. Le plat rectangulaire posé devant le chef devait mesurer un bon demi-mètre.
- Vous avez pris quoi, monsieur ?
- Le n°6.
Trente-deux crevettes épicées du Mékong nageant dans leur coulis d'asperge coloré d'une réduction à la citronnelle et à l'origan, nichées sur un nid de fromage de chèvre, agrémentées de haricots noirs rissolés, protégées par une muraille de poitrine de porc fumée à l'artisanale."
Les tricheurs - Jonathan Kellerman
M'inspirant du titre de ce roman, je me suis offert le luxe de revisiter la recette à la mode quat'sous, le tout dans un bento ovale qui fait 20 cm de long et non 50. Et question de tricher jusqu'au bout, ce n'est même pas un vrai bento, juste une antique gamelle en alu dégustée sur une pelouse ensoleillée du début octobre.
Au lieu des 32 crevettes, seulement 6 gambas cuites au court-bouillon, décortiquées puis saupoudrées de baies roses écrasées. Elles se prélassent dans un coin du bento sur quelques tranches d'une bûche de chèvre (eh oui, un bento ovale mais avec des coins !).
Les asperges pic nic sortent tout droit de leur bocal et marinent dans une vinaigrette aromatisée de citronnelle surgelée et de feuilles de marjolaine du jardin (cousine de l'origan).
Mes haricots sont rouges, même pas rissolés (trop gras !) mais pris en sandwich dans deux tranches de jambon fumé industriellement, grillées à la poêle, une minute de chaque côté à sec.
Le régal n'était pas de la triche, un bento insolite mais vraiment bon !
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Pour en revenir au roman, c'est le 23ème que je lis de Jonathan Kellerman, un de mes auteurs préférés. Hélas, avec le succès, il se fatigue beaucoup moins maintenant pour pondre ses histoires. Certes, il y a un mieux et si Les Tricheurs est un polar trop court à mon goût, il est bien cuisiné et nettement plus réussi que Jeux de Vilains ou Habillé pour tuer par exemple. Quand même, Jonathan Kellerman, c'était bien mieux avant !