Le chili Concarneau de Zolma
"La lecture m'a donné faim. Dommage, frigo vide, juste un vieux bout de pain oublié, une boîte de haricots blancs et une autre de sardines dans un placard. Haricots aux sardines ! Je les mariais souvent lors de ma grande période de précarité, après mon passage dans la police. Du "chili Concarneau", j'appelais ça. Côté finances, on ne peut pas faire beaucoup mieux. Moins cher, on trouve, mais c'est pour les clebs. Côté goût, on ne peut pas faire pire. Aux frontières du comestible. Une véritable dissonance gustative. Mais vite prêt."
Zolma - Croisière jaune - p140
Les gens qui me connaissent savent que je collectionne les recettes tirées de romans et c'est ainsi qu'un ami lecteur m'a fait découvrir cette idée de chili Concarneau. Vous ne pouvez pas imaginer combien je fut effondrée à la lecture de ce paragraphe. On se croirait dans Faites vous-même votre malheur de Paul Watzlawick ! Mais comment les gens peuvent-ils être aussi maso ? Cela me dépasse totalement.
Manger, c'est l'un des plaisirs de la vie et son avantage, c'est qu'il revient chaque jour. A condition toutefois d'y prêter un peu d'attention. Les sardines en boîte chaudes, ce n'est pas terrible surtout si elles sont pas chères. Et je n'ai pas besoin d'essayer pour savoir qu'avec des haricots blancs, ce sera infect. Dans des spaghettis, c'est déjà mieux. Ou alors, dans un gratin de pommes de terre, une pizza, des muffins salés ou un crumble qui déménage.
Et le mieux, c'est qu'on n'est même pas obligé de faire de la cuisine pour manger quelque chose de bon. Les sardines 1er prix, je les retire de l'huile, je les racle de la tête à la queue avec un couteau de cuisine pour enlever la peau, je les ouvre en deux et vire l'arête centrale. Et j'obtiens ainsi des filets de sardine tout beaux et économiques. Plus léger qu'avec du beurre, je les écrase avec du fromage blanc ou du labneh, un filet de citron ou de vinaigre et beaucoup de poivre avant d'en tartiner mon pain grillé. Ici, pour simplifier au maximum, je me suis contentée d'un filet de vinaigre et de poivre, c'est tout.
Quant aux haricots blancs en boîte, ils seront bien meilleurs en salade que chauffés avec les sardines, avec une simple vinaigrette enrichie d'échalotes, d'une gousse d'ail écrasée ou de fines herbes si c'est Bizance mais une simple cuillerée de moutarde leur ira bien aussi.
Il faut savoir goûter tous les petits plaisirs de la vie et mes haricots-sardines de quat'sous, je les ai dégustés sur l'herbe pour profiter du ciel enfin bleu. Hop, la salade dans un bento ! Evidemment, pas une jolie boîte kawaii importée à prix d'or du Japon mais une gamelle vintage trouvée à 0,50€ sur une brocante. Et, parce que le luxe n'attend pas le nombre des années de hauts salaires, j'ai mangé avec une fourchette en argent (à 0,20€ !).
Le Bento Concarneau de quat'sous
Evidemment, tout cela n'est pas de la grande gastronomie mais m'est avis que mon repas fut bien meilleur que l'horrible chili Concarneau de Zolma. Surtout à la chaleur du soleil printanier et en charmante compagnie :
Cette histoire est l'occasion de raconter une autre ineptie culinaire sortie d'un polar :
"L'eau-de-vie et les oeufs aidant, Gerlof se sentit si bien qu'il commença à raconter combien la vie était dure, sur l'île, autrefois.
"Et le frichti, vous savez ce que c'était ?"
Ses petits-enfants secouèrent la tête.
"C'était un plat spécial qu'on mangeait tous les samedis, dit Gerlof. La recette était très simple... On mélangeait tous les restes de la semaine dans un saladier en bois, on salait bien, on faisait cuire dans une marmite et on mangeait ça. Toute la famille !"
Julia secoua la tête.
"Tu n'as jamais mangé de frichti, Papa. Vous n'étiez pas si pauvre."
Il la regarda en fronçant les sourcils.
"Je parle de mon grand-père. Lui, il mangeait le frichti quand il était petit."
Johan Theorin - Le sang des pierres - p193
Des recettes avec des restes, il y en a plus de 100 sur mon blog. Et encore, ce n'est que le quart de la moitié du tiers de celles que je cuisine. J'adore la cuisine de restes ! Car elle permet de préparer des plats uniques, toujours bons si on mélange avec jugeotte et pas simplement à l'aveugle avec du sel. Pffff !
Enfin, Johan Theorin a l'excuse d'être Suédois. Qu'un Français comme Zolma puisse raconter de telles horreurs culinaires, c'est inadmissable. Je suis tellement indignée que jamais je ne lirai cet auteur, na !